Elle a l’œil qui frise et le sourire satisfait, Gilberte Morel. À 85 ans, cette habitante d’Arras vient d’emporter une manche judiciaire dans son combat contre Enedis. La juge est venue à sa rencontre et lui a glissé un « c’est bon pour vous » rendant le sourire à cette petite dame qui reconnaît pas mal de nuits d’insomnie.
D’une voix fluette, elle raconte son bras de fer : « Ils ont monté le compteur Linky chez moi en février 2017. Quelques mois plus tard, j’ai reçu une première facture. Ma consommation était multipliée par huit. »
Avec le temps, ses factures passent de 100 € annuels à 400 € en moyenne. « Chez EDF, ils m’ont dit que c’était parce que j’avais trafiqué l’ancien compteur. » Le coup de grâce pour Mme Morel qui en fulmine encore.
Me Christophe Loonis, celui qui deviendra son avocat, commente sobrement : « Il s’agit d’une vieille personne qui n’a pas du tout supporté qu’on mette en cause son honnêteté. » L’octogénaire prend sa plume, téléphone et entame, sans le savoir, une bataille qui va la mener en justice.
Électricité coupée
Le Médiateur national de l’Énergie propose une remise d’une cinquantaine d’euros sur la facture… Gilberte Morel persiste. Elle verse la même mensualité qu’avec l’ancien compteur, refuse de payer le reste. En septembre 2018, l’électricité est coupée. Elle ne sera rétablie qu’en novembre de la même année.
De fil en aiguille, elle rencontre Pierre Rose, membre d’ACCAD, un des nombreux collectifs anti-Linky qui essaiment la région. Gilberte Morel porte l’affaire devant le tribunal d’instance d’Arras. Ce vendredi, ce même tribunal lui a donné raison. Arguant que « selon l’ancien compteur, la consommation de Mme Morel était en moyenne de 6 KWH par mois (…) d’après le compteur Linky, elle était de 275 KWH par mois. »
Et la juge Élodie Anicotte de constater qu’après coupure, la consommation est revenue à l’état antérieur à la pose du compteur Linky. D’où la victoire et une condamnation d’Enedis et EDF à des dommages et intérêts de 1 500 €. Décision qui ne pourra, éventuellement, être contestée que devant la cour de Cassation.